BAROMETRE METIERS #19 – AUTOMNE 2022
Notre baromètre est de retour avec un tour d’horizon de quelques tendances emploi et recrutement observées récemment sur nos métiers…
L’EDITO
Croisée des chemins
Le marché de l’emploi dans le secteur financier est toujours aussi actif en ce dernier trimestre, redéploiement d’activités et ajustements ont continué à créer de la liquidité, notamment en finance de marché, banque privée et financements, ces derniers étant toujours portés par les thématiques liées à la transition énergétique et aux infrastructures. Un dynamisme qui se poursuit depuis deux ans.
Mais derrière la satisfaction de l’instant, les prémices d’un resserrement se précisent, certains domaines tel le M&A étant déjà touchés. Les budgets prévisionnels 2023 s’annoncent beaucoup plus contraints, du PE à la BFI et à l’AM… ce alors que les questionnements des cadres du secteur, tout particulièrement les plus jeunes, n’ont jamais été aussi nourris ; un phénomène totalement nouveau.
Dans un environnement mondial qui se fragmente, en proie au déploiement de pouvoirs autocratiques, à la rentrée dans le rang des géants de la tech, alors qu’explosent les taux d’intérêts dans un contexte de transition énergétique à marche forcée et de radicalité sociale dans nos démocraties en proie à l’inflation, comment appréhender sa vie professionnelle, s’y projeter, et construire son futur ? Cette question, les cadres du secteur financier pourtant préservés et qui historiquement ont toujours démontré une vraie adaptabilité lors des différentes crises, nous l’expriment aujourd’hui avec une tonalité inhabituelle et des attendus nouveaux où la rémunération n’est plus le moteur clé.
La pandémie a laissé des traces dans les relations inter personnelles et dans un monde où, depuis cette dernière, les fractures politiques, sociales et économiques s’imposent à tous. Pas un cadre ou dirigeant qui ne repense sa relation avec sa vie professionnelle et le monde du travail en général. Quête de sens, soif de passion et d’un équilibre de vie côtoient des aspirations entrepreneuriales, souvent éthiques, et une appropriation du court terme dans sa relation à l’entreprise.
De nouvelles dynamiques, de nouveaux enjeux…
Denis Marcadet
CORPORATE (Large & Mid Caps)
Côté Financements
Après une première phase d’attentisme observée depuis quelques mois sur les deals large caps, certaines opérations sont dominées par une plus grande prudence (comme les LBO et toutes opérations à effet de levier, la hausse des taux et les impacts inflationnistes sont passés par là) quand d’autres restent toujours orientées à la hausse avec un réel dynamisme. Les financements infra et notamment du Digital Infra gardent le vent en poupe avec une âpre concurrence dans la chasse aux talents tant pour leur structuration qu’en Advisory.
Les secteurs liés à la transition énergétique, les ENR et certains filières tech sont également très actives. Les profils experts sont sursollicités avec des acteurs diversifiés qui offrent des perspectives nouvelles bien attractives pour les talents. Les banques restent très demandeuses car elles ont structuré les nouvelles filières ESG au sein des équipes origination afin d’approfondir et renforcer leur expertise auprès de leurs clients ; certaines ont même créé des filières transversales sur des sujets clés comme le bas carbone ; tout cela contribue à attiser la concurrence sur des talents aux profils proches voire identiques.
La tension sur les salaires est en corrélation même si chacun se doute qu’après encore une année 2022 qui devrait être belle pour les bonus, la donne changera en 2023.
Concernant les Financements spécialisés, la croissance reste forte mais ce rythme (notamment observé en affacturage) est pour beaucoup porté par l’inflation et son impact sur les prix et le BFR. L’accroissement des limites en risques de crédit conduit à des syndications pour mieux partager celui-ci. Quoi qu’il en soit, c’est bien une baisse des marges que les banquiers créanciers anticipent. Ceci explique la moindre tension observée en termes de recrutement et plus de mobilités par opportunité.
Coté Paiements
Un contexte ambigu avec d’un côté une activité soutenue, positive et très innovante sur l’amélioration des expériences clients ou commerçants et de l’autre un retour un peu brutal aux fondamentaux pour les nombreuses fintechs du secteur. Les investisseurs regardent à deux fois les valorisations et modifient la feuille de route en étant plus attentifs aux résultats à venir qu’à la seule croissance ; sacrée différence avec les dernières années !
L’ambiance change en termes de levées supplémentaires mais également avec les banquiers qui recalculent les BP avec un nouveau regard, de nouvelles exigences et des taux d’intérêt en croissance.
Le secteur continue de se consolider avec des impacts qui pourront être importants en termes de départs, ce qui pourrait rendre plus accessibles des profils intéressants en Business Développement (nouveaux marchés et/ou nouveaux pays), Tech et Data.
Les premiers incidents conformité/risques commencent à voir le jour et vont inciter ces acteurs à se renforcer davantage sur ces métiers.
ASSET MANAGEMENT / PRIVATE BANKING
Asset Management
Côté sociétés de gestion, certaines consolidations se poursuivent (rapprochement de sociétés de gestion, rachats de portefeuilles… en province et à Paris) avec une année 2022 un peu compliquée pour les investissements sur les sociétés cotées eu égard aux effets Marché négatifs et à certaines décollectes transformées en liquidités.
Cela n’entraîne pas encore d’annulation de recrutement même si certains grands acteurs ont initié récemment un standby ou une parcimonie sur les métiers d’experts. Les sociétés de gestion s’arrachent toujours les profils CGPI avec une inflation des salaires inhérents.
Dans le cadre du développement de l’activité Retail en Private Equity, le marché reste actif dans le renforcement des équipes commerciales en charge de l’animation et du développement auprès des banques privées et des Family Office.
Les marchés non-cotés continuent d’attirer les commerciaux mais avec un début de crainte sur les perspectives de levées. En effet, les institutionnels se sont montrés plus exigeants, certains ont même “posé les crayons” sur le non-coté. Les closings de certains fonds ont d’ailleurs été reportés.
Les fonds de dette privée et infrastructure restent des sous-jacents très porteurs ; on note un regain d’intérêt pour l’alternatif côté et le crédit – un nouveau cycle pour les gérants obligataires ?
En parallèle, les recrutements se focalisent sur des profils en analyse macro, allocataire, économiste dans un contexte économique et politique plein d’incertitudes ; il s’agit d’apporter des réponses à des clients exigeants.
L’ESG, avec une évolution des profils recherchés (plus modélisation et data), continue de créer de belles opportunités de recrutement sur une filière qui se professionnalise face aux enjeux de l’implémentation des directives européennes (dont la taxonomie). Reporting extra financier, indicateurs carbone sur la chaîne de valeur sont autant d’éléments d’expertise qui vont se renforcer et créer de nouvelles opportunités d’évolutions.
Private Banking
2022 restera une belle année, avec des flux entrants positifs malgré l’attentisme de certains clients face à la volatilité observée. Les recrutements sont actifs suite aux départs à la retraite, aux remplacements ou renforcements pour les banquiers privés, gérants sous mandat, ingénieurs patrimoniaux et équipes en charge de l’offre.
Une année record sera observée sur les produits structurés, avec le retour pour certains des garanties de capital ainsi que des produits de trésorerie, cette évolution initiant quelques renforcements ponctuels d’équipes.
Le marché des Family Office continue à se développer à Paris et en région avec la recherche d’experts FO, de gérants allocataires ou d’experts crédits. Des mouvements qui s’effectuent en majeur de banques privées à MFO et non de MFO à MFO.
Dans un contexte de marché du financement plus tendu, politique restrictive de certaines banques et hausse des taux (plutôt ennuyeux pour les prêts lombard à taux variables), les banquiers se doivent d’être innovants pour les profils les plus fortunés (dette privée, club deal, etc.).
L’intégration de MIFID 2 depuis le mois d’août entraine logiquement le renforcement de profils regulatory dans les équipes ; on observe également un impact sur les rémunérations des banquiers puisque leur variable ne peut plus être corrélé à la vente produit, ce qui induit des indicateurs plus qualitatifs dont tous les effets ne sont pas encore visibles. Ces points seront suivis avec grande attention par tous les acteurs.
BFI & FINANCE DE MARCHES
FINANCE DE MARCHES
Dans un environnement économique et politique sous tension où l’incertitude prédomine, le paysage financier est bouleversé (taux élevés, matières premières volatiles…). Face à cela les Banques Centrales tentent de réagir au mieux tandis que les banques verrouillent leurs risques opérationnels et de crédit. Quant aux investisseurs, en proie à des questionnements multiples (inflation durable, récession à venir…), ils affutent leurs armes, la volatilité étant par ailleurs source d’opportunités.
Ce contexte instable amène, plus que jamais, les clients à être demandeurs de conseils et de produits – les structurés ont d’ailleurs connu une année record dans toutes les banques.
Côté actions, si le cash equity a souffert, les books de dispersion ont dégagé de belles performances et les autocalls ont le vent en poupe. On peut toutefois d’ores et déjà anticiper un ralentissement lié à la hausse des taux avec en corollaire le retour des produits à capital garanti et la nécessité de préserver une activité importante de flux, dans la perspective d’un retournement de marché. Quant aux fonds de pensions ou hedge funds, ils cherchent à dégager de la rentabilité, l’engouement pour les stratégies QIS en témoigne…
Il n’y a pas eu d’impact à ce stade sur les recrutements, lesquels se sont poursuivis à un rythme soutenu (Structuration Taux/Change, Trading & Vente sur marchés émergeants, Stratégies QIS, etc.). Les revenus Marchés restent plus que prometteurs et les équipes aussi bien chez les françaises que chez les anglo-saxonnes continuent de s’étoffer…
M&A
L’année 2022 marque probablement un point d’inflexion sur les opérations de M&A. Après un premier semestre relativement actif, le second semestre est beaucoup plus calme et les perspectives assez sombres selon certains. C’est un changement de paradigme.
Sous l’effet conjugué de la hausse des taux, de l’inflation, de la volatilité des marchés et des fortes incertitudes économiques depuis la guerre en Ukraine, les enchères sont parfois suspendues, les banques de financement réticentes, les vendeurs tendus et les acheteurs attentistes.
Cette contraction de marché que tout le monde anticipait s’est finalement concrétisée. Cela concerne en premier lieu le marché du M&A large caps qui a subi un ralentissement très marqué. Le marché mid caps s’en sort mieux et continue d’être actif, notamment porté par les fonds de private equity qui ont des capitaux à déployer.
Même la tech qui faisait exception subit le mouvement et il faut aujourd’hui faire un distinguo entre les différents sous-segments de la tech, certains ayant vocation à rester porteurs et d’autres voyant les valorisations baisser ou être très inférieures aux attentes des vendeurs. L’Energie ou la Santé, qui sont au cœur des préoccupations, sont en revanche épargnées.
Les banquiers se demandent comment cela va se traduire sur les bonus. Ceux-ci vont-ils venir récompenser une année qui avait bien commencé et qui au global n’est pas si mauvaise ou bien anticiper les perspectives très incertaines de 2023.
Dans les Bulge Bracket anglo-saxonnes, les départs ont déjà commencé et le mouvement devrait s’accentuer d’ici la fin de l’année. Comme d’habitude le mouvement sera de moindre ampleur dans les banques françaises.
Etonnamment, la plupart des acteurs du M&A sont confrontés à un problème de ressources et certaines classes d’âge, les Associates et les VP, qui sont pourtant clés dans l’exécution d’une transaction, manquent à l’appel. Il y a çà et là des “trous dans la raquette” mais toutes les structures cherchent ces jeunes talents… qui ne veulent globalement plus faire de banque d’affaires.
Côté candidats, ils ont de plus en plus d’états d’âme, sont très sélectifs, ne veulent pas prendre trop de risque, changent d’avis. Il faut parfois les porter à bout de bras et se montrer compréhensif face à ces états d’âmes.
TAX & LEGAL
Les recrutements en juridique connaissent toujours un net rebond dans des contextes de remplacement et de création de poste. Les champs d’intervention s’élargissent du grand groupe à la start-up qui souhaite mieux structurer son activité ou sa mise en conformité réglementaire.
Des profils de juristes généralistes ayant souvent connu une première expérience en cabinet d’avocat, capables de travailler en matriciel et à l’international sont particulièrement recherchés.
La digitalisation des directions juridiques se poursuit, impliquant l’arrivée de nouveaux profils experts en la matière (risques cyber, fraudes, sujets sanctions ou embargos…), cela créé des tensions car les candidats sont sursollicités.
Les fiscalistes ne sont pas en reste sur ces fonctions devenues stratégiques. Au-delà des enjeux d’expertise, les entreprises sont à la recherche de candidats créatifs et très bons communicants aux fins de valorisation de cette fonction au sein de l’organisation.
Dans un contexte de marché tendu, les candidats restent très attentifs aux conditions de travail proposées, télétravail et valeurs de l’entreprise sont des facteurs clés de choix.