BAROMETRE METIERS – Tendances emploi et recrutement – PRINTEMPS 2025 #23
Un tour d’horizon de quelques tendances emploi et recrutement observées récemment sur nos métiers
L’EDITO
Dans un environnement général instable où les défis économiques et géopolitiques sont nombreux, les places financières sous tension témoignent tout autant de résilience que de créativité, tandis que l’industrie financière elle-même se doit d’adapter voire redéfinir son modèle économique. Ce contexte, source de nombreuses restructurations au sein des entreprises, n’est pas sans incidences sur le marché de l’emploi.
La place parisienne en est un bon exemple. Bien que disposant d’un socle solide – acteurs financiers de renom, entreprises de premier plan, formations académiques d’excellence – elle n’échappe pas à son lot de consolidations. Cependant, malgré la prudence compréhensible de ses intervenants dans la gestion des effectifs, elle continue à offrir de nombreuses opportunités, tant côté front office que dans les fonctions supports. En gestion d’actifs, notamment dans les investissements alternatifs et la gestion privée, ainsi qu’en financements (côté emprunteurs comme investisseurs) avec un prisme ESG, les opportunités existent. De plus, une reprise modérée du marché immobilier est en cours, et l’innovation technologique, notamment l’intelligence artificielle, continue de transformer les métiers de chaque secteur dans leurs processus et prises de décisions. Enfin, il existe des besoins réguliers dans les fonctions financières en entreprises, particulièrement dans celles détenues par des fonds d’investissement, avec une attention particulière pour les DFT témoignant d’une véritable exposition aux opérations.
Quant aux candidats, toutes générations confondues, leur attente d’une entreprise alignée sur leurs valeurs assortie d’un projet dynamisant et riche de sens est un pré requis, sans oublier une culture managériale lisible…. L’entreprise doit aujourd’hui se vendre, le défi de la « marque employeur » est bien réel !
Bonne lecture à toutes/tous,
Denis MARCADET
ASSET MANAGEMENT
Le défi majeur pour l’asset management demeure la montée en puissance de la gestion passive et des ETF, qui représentent désormais près de la moitié des actifs totaux sous gestion actions en France, un chiffre en constante progression. Cette évolution s’explique par des coûts significativement plus bas, des performances en actions souvent proches voire supérieures à celles de la gestion active, et une préférence croissante des investisseurs institutionnels pour des solutions simples et transparentes. La difficulté pour les gestionnaires actifs de surperformer durablement les indices de référence continue de peser sur leur attractivité.
En parallèle, les hedge funds et plateformes de hedge funds ainsi que les solutions multi-stratégies tirent mieux leur épingle du jeu, bénéficiant d’une flexibilité accrue et de leur capacité à naviguer dans un environnement de marché complexe. Ces acteurs, souvent soutenus par des outils technologiques avancés et une approche diversifiée, séduisent des investisseurs à la recherche de rendement et de gestion du risque. La gestion alternative (dont les stratégies long/short) reste donc compétitive, même si la hausse des taux d’intérêt et l’environnement macroéconomique limitent quelque peu l’attrait pour certaines stratégies à levier élevé.
À l’inverse, la gestion long only traditionnelle peine à convaincre. Les investisseurs exigent de plus en plus de solutions adaptées à leurs objectifs spécifiques, comme la gestion flexible ou des stratégies axées sur le private equity, au détriment des portefeuilles strictement orientés actions ou obligations. Par ailleurs, l’accent mis sur la réduction des frais par les clients exerce une pression considérable sur les marges des gestionnaires traditionnels, les rendant moins compétitifs face à des solutions passives ou alternatives. Néanmoins, les récents développements politiques aux États-Unis pourraient néanmoins offrir un nouveau souffle, notamment à la gestion small et midcaps, depuis longtemps en retrait.
Côté ESG, après avoir été au cœur des priorités pendant plusieurs années, l’engouement semble s’essouffler, notamment en raison des critiques croissantes sur le greenwashing et des exigences réglementaires plus strictes qui complexifient l’offre. Les investisseurs se montrent plus prudents et commencent à privilégier des stratégies offrant des résultats tangibles et mesurables, au-delà des labels marketing. La nouvelle configuration politique aux États-Unis et depuis peu en Europe (intentions de réarmement…) semble renforcer cette dynamique.
En termes d’emploi, les perspectives restent fragiles, à l’exception de quelques niches spécifiques. La consolidation en cours et les pressions économiques conduiront à certaines suppressions de postes, aussi bien en front que dans les équipes de middle office, où l’automatisation gagne du terrain. Seules certaines compétences techniques ou spécialisées, notamment en gestion alternative, technologies liées aux données ou stratégies long/short (profils quant…), demeurent recherchées pour soutenir les besoins des acteurs innovants et compétitifs.
Gestion Privée
Le secteur de la gestion privée connaît une dynamique de consolidation et de regroupements, motivée par la nécessité d’atteindre une masse critique face à des exigences réglementaires de plus en plus lourdes et à leurs coûts induits (systèmes informatiques, fonctions support, conformité, etc.).
Par ailleurs, un nombre croissant d’acteurs recentrent leur activité sur la clientèle HNWI (High Net Worth Individual), ce qui favorise l’essor des structures de type multi-family office.
Sur le plan de l’emploi, des opportunités apparaissent plus particulièrement dans les fonctions de développement commercial, où la capacité à générer de nouveaux encours constitue un atout déterminant.
FUSIONS ET ACQUISITIONS – M&A
Une reprise contrastée du marché M&A en 2025
Le marché des fusions-acquisitions (M&A) en France connaît une reprise contrastée en ce début d’année 2025. Si le nombre d’opérations tend à diminuer, la valeur globale des transactions reste relativement stable. Cette évolution s’inscrit dans un contexte d’incertitudes économiques et géopolitiques qui continuent d’influencer les décisions des acteurs du marché et la dynamique des opérations.
Les perspectives pour 2025 laissent entrevoir une possible relance de l’activité M&A, portée par une éventuelle stabilisation de l’économie et un reflux des taux d’intérêt. Ces facteurs pourraient favoriser un regain de confiance et inciter les entreprises à reprendre leurs projets de croissance externe.
Dans cette dynamique, les fonds de Private Equity jouent un rôle central cette année. En effet, une pression croissante s’exerce sur ces acteurs pour réaliser des sorties sur des investissements plus anciens, en particulier ceux datant de 2020 ou avant. Ainsi, de nombreuses cessions, reportées en 2024, pourraient se concrétiser en 2025, alimentant un regain d’activité sur le marché.
Par ailleurs, dans un environnement toujours incertain, les entreprises chercheront davantage à renforcer leur résilience, notamment à travers des acquisitions stratégiques ciblées. Ces mouvements permettent de consolider les positions sur le marché, d’optimiser les chaînes de valeur ou encore de sécuriser certaines compétences clés.
Il est intéressant de noter qu’une proportion significative de dirigeants restent confiants quant aux perspectives de croissance de leurs entreprises à l’horizon trois ans, malgré les turbulences actuelles. Ce niveau de confiance pourrait se traduire par une volonté renouvelée d’investir et de se positionner sur des opportunités de croissance externe.
Les perspectives pour le marché M&A en France en 2025 demeurent modérées, mais néanmoins encourageantes. La reprise pourrait être stimulée par quelques transactions majeures, notamment dans le segment des larges caps, qui reste particulièrement dynamique. Toutefois, les incertitudes géopolitiques persistantes et les risques économiques globaux continueront de peser sur le marché, incitant les acteurs à faire preuve d’une vigilance accrue.
PRIVATE EQUITY
Résilience et Transformation
Le secteur du Private Equity en France continue de jouer un rôle central dans le financement et le développement des entreprises, malgré un environnement économique mondial en constante évolution. Les tendances observées pour 2024 et 2025 mettent en lumière un secteur en pleine adaptation face aux défis économiques et aux nouvelles attentes des investisseurs.
Dans ce contexte, on observe une volonté croissante des investisseurs de diversifier leurs portefeuilles, afin de mieux répartir les risques et de sécuriser leurs rendements. Cette dynamique favorise l’émergence de nouvelles approches et le développement de segments spécifiques du marché.
Le Private Equity secondaire, qu’il s’agisse de GP stakes (parts de sociétés de gestion) ou de LP stakes (parts de fonds détenues par des investisseurs institutionnels), continue de se structurer et de croître. Parallèlement, les stratégies de long terme gagnent du terrain, offrant une alternative plus stable et pérenne dans un contexte marqué par l’incertitude.
Le co-investissement s’impose également comme une tendance forte en 2025. Cette pratique permet aux investisseurs de participer directement à certaines opérations aux côtés des fonds, tout en réduisant les frais de gestion et en bénéficiant de l’expertise des gestionnaires. Elle s’inscrit pleinement dans cette logique de diversification et d’optimisation des investissements.
Les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) prennent une place de plus en plus déterminante dans les décisions d’investissement. En France, ils sont désormais incontournables dans l’évaluation des entreprises et des portefeuilles. D’ici 2025, leur poids devrait encore s’intensifier, traduisant les nouvelles exigences des investisseurs et les évolutions structurelles du marché. Néanmoins, une question se pose : le recul observé aux États-Unis sur ces aspects ESG pourrait-il un jour s’étendre à l’Europe, et en particulier à la France ? La vigilance reste de mise.
Enfin, le marché français du Private Equity devrait poursuivre sa croissance en 2025, portée notamment par une augmentation attendue des cessions. La pression s’intensifie sur les fonds pour sortir des investissements plus anciens, ce qui laisse entrevoir une accélération des opérations de désengagement. Dans cette dynamique, le Private Equity continuera d’occuper une place stratégique dans l’économie française, en tant que levier de transformation et de résilience.
INVESTMENT BANKING & FINANCIAL MARKETS
Finance de marché
Au début de 2025, Paris, qui s’était affirmée comme l’un des centres financiers les plus attractifs en Europe continentale après la mise en place du Brexit, suscite désormais des craintes croissantes chez les investisseurs étrangers. Les récents bouleversements politiques – initiés par la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, l’instabilité avec deux gouvernements successifs, et les incertitudes budgétaires et fiscales qui en découlent – remettent en question le statut de Paris comme place privilégiée en tant qu’alternative à Londres. Ces événements alimentent un climat d’incertitude qui pèse sur les décisions des institutions financières et pourrait freiner certains projets de relocalisation ou d’expansion.
Néanmoins, alors que, jusqu’à récemment, la nette surperformance des marchés américains en 2024 par rapport aux marchés européens renforçait les doutes des investisseurs quant à la capacité de l’Europe à résister à l’attraction exercée par Wall Street, la situation a évolué. L’écart de performance relative s’est significativement réduit, et les marchés européens commencent à rivaliser, portés notamment par les changements politiques en Allemagne et la prise de distance militaire entre les États-Unis et l’Europe. Ce nouveau contexte bénéficie tout particulièrement aux valeurs liées à la défense, mais aussi plus largement aux secteurs industriels, et ce, en dépit d’une croissance économique plus modeste et de politiques monétaires plus restrictives sur le Vieux Continent. Cette dynamique pousse désormais certains gestionnaires d’actifs et institutions à réorienter une partie de leurs capitaux vers l’Europe, au détriment des marchés américains.
Face à ces évolutions, certaines banques d’investissement Anglo saxonnes — qui avaient commencé à revoir à la baisse leurs prévisions de croissance locale, qu’il s’agisse de nouvelles implantations ou d’extensions d’équipes — réévaluent désormais leur position. Cette inflexion pourrait de nouveau jouer en faveur de Paris, à condition toutefois que les tensions politiques, économiques et, surtout, fiscales ne s’aggravent pas.
Dans cet environnement en pleine mutation, les résultats financiers des activités de marchés demeurent convenables à ce stade, soutenus par une volatilité accrue et des besoins en gestion des risques, même si les perspectives à moyen terme sont plus incertaines. La capacité de Paris à maintenir son rôle de centre financier compétitif dépendra fortement de sa stabilité politique et de sa capacité à attirer des investissements étrangers, en particulier dans des secteurs à forte valeur ajoutée comme les technologies de marché et les solutions de trading avancées.
ASSURANCE
Les investissements conséquents dans la transformation numérique, notamment l’intégration de l’IA pour moderniser leurs systèmes et améliorer l’efficacité opérationnelle, crée une demande pour des professionnels spécialisés en technologies de l’information, en analyse de données et en cybersécurité. Cette digitalisation à grands pas et l’émergence de nouveaux risques impactent les compétences recherchées.
Si les experts en finance durable et spécialistes en risques ESG restent toujours demandés (pour développer des produits innovants ou évaluer les impacts environnementaux sur les portefeuilles d’assurance), on note par ailleurs un regain d’intérêt pour les profils polyvalents, capables de naviguer dans un environnement en constante évolution et de maîtriser des outils technologiques avancés.
Face aux nouvelles réalités du secteur, la compétition reste active pour attirer les talents et côté entreprise la rétention des employés redouble d’importance. D’un côté les professionnels de l’assurance valorisent de plus en plus la QVT (flexibilité, télétravail, un meilleur équilibre de vie…), de l’autre, les entreprises qu’adaptent leurs politiques RH pour répondre à ces attentes sont les mieux positionnées et mettent l’accent sur des stratégies de fidélisation et rétention de profils clés.
JURIDIQUE & REGLEMENTAIRE
Fonctions Corporate – Fiscalité – Legal – Compliance
Après une forte reprise post-Covid, le marché de l’emploi juridique a connu une baisse significative, avec une diminution des offres publiées en 2023 et 2024, une tendance qui se poursuit en 2025, dans un contexte de remplacements, avec peu de création de postes et des difficultés persistantes pour les recruteurs à trouver des candidats qualifiés.
Malgré un contexte général difficile et complexe, les besoins d’adaptation réglementaires continuent à jouer un rôle moteur dans le secteur, avec une augmentation des recrutements en intérim et en mode projet.
Quelques opportunités toutefois existent, notamment en reporting fiscal et dans les domaines en croissance comme l’IT lié aux services juridiques.
TECH, FINTECH & DATA
Le rôle de Chief Technology Officer (CTO) reste fortement sollicité, tandis que les spécialistes en intelligence artificielle continuent d’être très recherchés. Nous observons un équilibre croissant entre l’offre et la demande sur le marché de l’emploi, marquant la fin de l’ère des candidats rois. Les professionnels privilégient désormais l’intérêt pour le projet sur le simple aspect financier, y compris parmi les freelances qui se montrent plus ouverts à l’internalisation en fonction du projet et de son envergure.
Les pressions persistent dans le secteur des paiements, rendant crucial le soutien financier par le biais de banques ou de fonds pour assurer le développement, une situation complexifiant la vie des plus petits acteurs.
MANAGEMENT DE TRANSITION
En 2025, le marché du management de transition est marqué par les incertitudes politiques et économiques mondiales. Malgré cela, les entreprises françaises poursuivent leur transformation et leur croissance, démontrant une forte résilience.
Certaines industries se distinguent par leur dynamisme ou leurs difficultés. Tandis que le retail fait face à de nombreuses faillites, l’industrie, notamment la pharmaceutique, la chimie et l’aéronautique, affiche une santé solide grâce à sa capacité d’innovation. Le secteur automobile, en revanche, est confronté à des défis majeurs liés à la transition vers les véhicules électriques.
Le management de transition, devenu synonyme de transformation et d’innovation, attire de plus en plus de cadres dirigeants, avec une moyenne d’âge qui a baissé à 52 ans. Les missions sont particulièrement concentrées sur les directions financières et générales, ces dernières jouant un rôle clé dans l’évolution des modèles économiques. La transition écologique et la digitalisation sont également des moteurs importants de nouvelles missions, notamment pour les experts en RSE et DSI.
Dans le secteur de la finance, les managers de transition sont essentiels pour piloter des projets complexes tels que les restructurations, les fusions-acquisitions ou l’implémentation d’ERP, tout en maintenant la stabilité des organisations.
Cependant, le métier souffre encore de confusion avec le freelancing et l’intérim. Le management de transition s’impose comme une solution incontournable pour accompagner les transformations, mais gagnerait à clarifier davantage son positionnement pour valoriser son apport unique.