Bonus 2023 : une année contrastée
Le dynamisme des services financiers, qui n’avait guère été affecté par crise sanitaire, marque le pas depuis l’été 2022. Certains bonus sont touchés par ce retour à la réalité.
Montagnes russes en vue pour les bonus des banquiers. Après la fausse alerte du Covid, le choc créé en 2022 par la hausse des taux annonce cette fois la fin de l’abondance.
«La crise sanitaire aura finalement peu altéré les services financiers. L’activité est restée très soutenue, nourrie par les prêts garantis par l’Etat (PGE), d’importantes levées de fonds d’entreprises ‘tech’, des besoins de financement en LBO / fusion-acquisition et dans la transition énergétique, et une volatilité des marchés requérant toute l’attention des professionnels du secteur», synthétise Corinne Orémus, directrice générale du cabinet de chasse de tête Vendôme Associés.
De fait, selon le rapport statistique annuel 2021 de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), publié le 13 octobre dernier, «le secteur bancaire a vu son total de bilan progresser de 3 % pour atteindre 9.934 milliards d’euros au niveau consolidé en fin d’année». Le produit net bancaire s’établissait à 164,2 milliards d’euros, soit une hausse de 9,4 % par rapport à 2020, «sous l’effet conjoint de l’amélioration des revenus des établissements et de la hausse maîtrisée de leurs coûts d’exploitation». Une bonne santé confortée par un renforcement de la situation prudentielle. Le ratio de solvabilité agrégé des banques françaises s’est en effet élevé à 16,3 % fin 2021, contre 16,1 % en 2020.
Stabilisation et prudence
D’où des rémunérations en hausse, les bonus versés en 2022 au titre de 2021 ayant atteint «des niveaux très importants», souligne Corinne Orémus. Mais cette tonicité s’est relâchée à partir du second semestre 2022 sous l’effet conjugué d’un contexte géopolitique bouleversé par la guerre en Ukraine, de la hausse de l’inflation et de la remontée rapide des taux, que les banques françaises ne peuvent répercuter directement sur leurs encours. Auxquels s’ajoute la fin du «quoi qu’il en coûte», maintes fois annoncée par le gouvernement et réclamée par la Cour des comptes, ainsi que par la Commission européenne début mars.
Denis Marcadet, fondateur de Vendôme Associés, abonde : «Il y a eu un ‘retour à la réalité’ et une stabilisation nécessaire pour l’industrie financière qui, depuis ces derniers mois, fait preuve de davantage de prudence, de sélectivité et d’attentisme.» Lesquels se matérialisent par une contraction, selon les fonctions, des bonus 2023 versés au titre de 2022 dans les financements structurés, et par une certaine hétérogénéité de ces primes dans les fusions-acquisitions.
Fidéliser les jeunes
En dépit de perspectives moins favorables, l’activité financements structurés entend tout de même fidéliser, donc valoriser, les jeunes équipes en charge de l’exécution des dossiers, nuance la directrice générale de Vendôme Associés. «D’autant qu’en termes de recrutement, certaines portes se referment. Nous sommes moins sur un marché de candidats, qui se caractérisait, notamment pour les jeunes issus des ‘Big Four’, par une profusion d’offres – émanant non seulement des banques, mais aussi du corporate finance et de l’investissement à impact – et par une pénurie de profils sur certains segments.»
Après une période d’effervescence, le second semestre a également marqué une rupture dans le M&A. D’où une contraction des bonus pour les profils les plus seniors. Denis Marcadet estime en outre que, dans cette période d’incertitude, le mercato qui suit généralement le versement des primes sera sans doute moins prononcé que l’année dernière. Afin de compenser des packages de rémunération globale moins attractifs, les acteurs du M&A mid cap ont cependant été plus attentifs à la qualité de vie au travail de leurs collaborateurs.
Reproduction Agefi / Source : Bloomberg
Marchés actions à la peine
Ce sujet prend d’ailleurs de plus en plus d’importance auprès des jeunes générations de candidats : «Ils sont sensibles à l’environnement de travail et à l’équilibre vie professionnelle-vie privée. Mais ils veulent aussi et surtout contribuer à des projets intéressants qui font sens pour l’avenir. Cela oblige d’ailleurs les établissements à travailler leur marque employeur», remarque Corinne Orémus.
Friande de volatilité, la finance de marché est, elle, demeurée active. Les marchés de taux, change et matières premières ont retrouvé de l’éclat. En conséquence, les bonus distribués ont été le plus souvent supérieurs à ceux octroyés l’année précédente. Phénomène inverse pour des marchés actions à la peine, où les bonus ont enregistré une baisse de 10 % à 20 %.
Selon Denis Marcadet, la finance de marché devrait maintenir une certaine dynamique d’embauche cette année. Et «si les financements structurés et le M&A marquent une pause dans la croissance de leurs équipes, au moins jusqu’en septembre prochain, il y a cependant des besoins de remplacement, ainsi que des appels d’air dans les directions financières d’entreprise en lien avec les nouvelles réglementations européennes sur le reporting extra-financier et la taxonomie», conclut Corinne Orémus.
Publié le 14 avril 2023, Hélène Truffaut
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Bonus dans les banques : une année 2023 contrastée – L’Agefi