En Europe, le plafond des bonus freine le développement du digital
La banque espagnole BBVA s’alarme des difficultés à recruter de hauts profils dans la tech.
Anne Drif, Les Echos Le 24/08/2016
Il s’agit d’une ultime campagne contre le plafonnement des bonus instauré par Bruxelles afin de réduire les prises de risque des banquiers. Des variables qui ne peuvent désormais excéder, depuis le 1er janvier 2015, le double du montant du salaire fixe (« 2 pour 1 »). Les banques européennes ne brandissent plus seulement l’argument de l’alourdissement des coûts fixes. Ce plafond, disent-elles, constitue désormais une menace sérieuse pour leur modèle industriel, en pleine transformation digitale.
La banque espagnole BBVA a ainsi adressé un courrier en ce sens à deux commissaires européens, les alertant des risques que fait peser, à ses yeux, ce seuil sur le recrutement de hauts profils dans la tech, rapporte le « Financial Times ». Ces experts sont soumis au plafond au même titre que les traders, dès lors qu’ils gagnent plus de 500.000 euros. Or ils sont loin de faire prendre aux banques le même niveau de risque que ces derniers, et de pouvoir entraîner par leurs décisions une nouvelle crise financière. C’est la définition de « prise de risque » que BBVA voudrait ainsi voir mieux définie dans les textes européens.
Entrave au recrutement
L’existence de ce plafond sur les bonus est aussi considérée comme une entrave au recrutement de jeunes codeurs, certes moins payés, mais dont les perspectives se voient ainsi limitées. D’autant plus que, depuis la crise, et face aux stars de la Silicon Valley, le secteur peine à attirer la génération des « Millenials ». Sans même compter la concurrence des banques américaines, qui elles échappent totalement au plafond des bonus, en dehors de leurs filiales européennes. « Dans certains cas d’acquisitions, nous rivalisons avec des banques américaines ou des groupes de tech, indique Juan Lopez Carretero, le patron du M&A dans le digital de BBVA. Leurs bonus ne sont pas limités, aussi nous avons de grandes chances de perdre. »
« Le premier levier historique de recrutement des banques a toujours été financier, et l’industrie est en train de le perdre, analyse Corinne Oremus du cabinet Vendôme et Associés. En face, les fintech comme les géants de la tech attirent au-delà même de la rémunération qu’ils offrent. Les banques sont donc à la fois obligées de se battre pour défendre leur niveau de rémunération et de formuler une autre proposition de valeur à ces profils venus de la tech. »
L’Autorité bancaire européenne (ABE) a cependant indiqué qu’aucune exclusion du plafond n’était aujourd’hui possible pour des raisons « qualitatives ». En revanche, à moyen terme, la bataille pourrait mériter d’être menée, car Bruxelles va poursuivre ses études d’impact.
Anne Drif, Les Echos
En Europe, le plafond des bonus freine le développement du digital | Les Echos