Le mercato des banquiers d’affaires est relancé en France
Avec la reprise du M&A, les banques étrangères recrutent de nouveau en France. Un défi pour les banques françaises qui cherchent des profils ciblés.
ANNE DRIF | LE 09/02/2014 À 06:00
Sept ans après la crise, l’effervescence des transferts reprend dans la banque d’affaires. Le pic des fusions-acquisitions l’an dernier dans l’Hexagone a réveillé l’appétit des banques étrangères pour embaucher, et contraint les établissements français à renforcer leurs équipes. La tension se fait d’autant plus forte que dans quelques semaines s’ouvre la saison des versements des bonus, qui entraînera le départ des meilleurs éléments insatisfaits vers la concurrence. Certains groupes étrangers, qui s’étaient retirés ou avaient lâché prise dans l’Hexagone avec la crise, reconstituent ainsi leurs troupes. Barclays veut renforcer son équipe de seniors, au-delà du seul départ à l’automne de Nicolas Darius, son responsable M&A pour la France. La banque suisse UBS, qui a mené un plan social dans les activités de banque d’investissement fin 2012, se dit désormais « dans le marché ». « Il est envisageable que les effectifs à Paris augmentent, de manière très ciblée et opportuniste », indique son patron pour la France, Jean-Frédéric de Leusse.
Autre retour engagé, celui du néerlandais ABN Amro après la mise en sommeil qui a suivi son rachat raté par RBS en 2007. En fin d’année dernière, la banque a procédé à des recrutements de seniors pour couvrir les institutions financières en Europe. A Paris, elle a fait venir Laurent Garret, un ancien d’ABN Amro parti entre temps chez RBS, qui va s’entourer d’une petite équipe. Chez d’autres, plus constants, des réflexions sont en cours. Le britannique HSBC s’interroge à l’échelle du groupe pour se renforcer, mais cela pourrait le conduire à arbitrer en faveur de l’Asie plutôt que de l’Europe. Chez Goldman Sachs on se dit en veille permanente. « Nous privilégions des relations de long terme avec nos clients et maintenons une centaine de personnes à Paris, dit Laurent Lellouche, coresponsable de la banque en France. Nous procédons à quelques recrutements ponctuels et spécifiques. » Les « pure players » de la banque d’affaires se montrent encore plus actifs. L’italien Mediobanca a mandaté Philippe Deneux, issu de Barclays, pour relancer son bureau français. D’autres, comme le belge Degroof s’est adjoint les services de l’ex directeur général de BBVA en France. De sources concordantes, le nord-américain Royal Bank of Canada a recruté, pour s’installer en France, Eric Meyer, qui couvrait les fonds d’investissement et des grands comptes à la Société Générale. Enfin, des boutiques comme l’allemand Goetzpartners dirigé par un ancien de Rothschild, Hervé Sawko, et l’espagnol N+1, emmené depuis janvier par Franck Portais, un ancien de Goetzpartners, ont l’intention de percer.
Pyramide des âges
Ces acteurs étrangers ont d’autant plus de facilité à convaincre de bons éléments des banques françaises qu’ils peuvent se montrer plus généreux en matière de rémunération et en latitude de management. Les banques de l’Hexagone prennent donc la mesure de ce regain de concurrence. « Comme nous investissons en formation des plus jeunes et sur la durée, nous servons de vivier aux banques étrangères qui gèrent leurs équipes en “stop and go” », s’agace un responsable M&A. Le sujet est d’autant plus critique que les banques françaises, peu flexibles, sont affectées par un creux générationnel sur les profils ayant plus de six ans d’expérience aujourd’hui.
« Ces établissements connaissent un problème de pyramide des âges depuis la faillite de Lehman Brothers en 2008. Elles manquent d’éléments de niveau associés ou vice-président », indique Corinne Orémus chez Vendôme Associés.
Certains sont entrés dans la banque juste avant la crise avec les perspectives de progression des bonnes années. Déçus, ils en sont sortis ou cherchent à partir vers des employeurs offrant un meilleur équilibre.
Dès lors, les banques de l’Hexagone cherchent à protéger leurs équipes tout en procédant elles aussi à des recrutements ciblés, témoignent plusieurs responsables de M&A. « Nous cherchons à fidéliser nos meilleurs éléments et augmentons leurs rémunérations », dit l’un d’eux. Un autre indique miser sur la palette de métiers offerts, des activités de marché au M&A, et surtout la mobilité géographique, une vraie exigence. C’est aussi l’argument qu’elles déploient pour convaincre des candidats de les rejoindre. Elles ont en particulier une vraie carte à jouer auprès des plus jeunes et des candidats venus de l’administration.
A. D., Les Echos
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