Quand les Fintechs accélèrent l’innovation managériale
Par Corinne OREMUS (DGD) et Leandro LOPES (Digital Officer)
De jeunes pousses à locomotives…
Considérées comme des ‘’ jeunes pousses ‘’ pendant longtemps, les Fintechs sont rentrées dans la cour des grands , et les signaux en sont multiples : des fonds de Private Equity dédiés, des levées significatives, la reconnaissance de la place financière et les initiatives multiples de Bercy ou du Pôle de compétitivité Finance Innovation qui labellisent actuellement les plus remarquables. Ces locomotives ont ouvert la voie à de nouveaux business models, souvent basés sur les plateformes de services collaboratifs comme les exemples observés sur les solutions de micro paiements, de crowdfounding, d’allocation d’actifs ou de conseil patrimonial. Les risques de désintermédiation sur ces domaines sont bien identifiés et chacun sait que leur arrivée relève les standards du marché en termes d’expérience client, de facilité d’usage, de fluidité des parcours et de sécurité.
Lucides sur leurs enjeux économiques, tous les acteurs des services financiers sont face à un autre domaine dans lequel les Fintechs induisent des changements importants, celui de l’innovation managériale sur laquelle elles ont un effet d’accélérateur. Dans ce contexte plus que dynamisé, elles offrent des opportunités de travailler transversalement et popularisent l’usage de méthodes de travail favorisant des cycles de création, de décision et de développement beaucoup plus courts, dites ‘’Agiles’’. C’est un changement de posture profond avec des conséquences majeures en termes RH dans les grandes structures de services financiers.
Dynamiques ouvertes et ‘’Agiles’’
Finis les éléments de projets éparpillés sur trois boites mail, quarante-trois présentations et tableurs… le tout, bien sûr, distribué entre départements! Pour faire circuler informations, idées et décisions de façon plus, justement, agile, il s’agit dorénavant de ‘’casser les silos’’ en favorisant les écosystèmes collaboratifs internes et encourager ceux qui raisonnent encore uniquement hiérarchie ou qui n’arrivent pas à lâcher leurs mails dans la gestion de projets.
Blogs, « wikis», base commune de projets… le rassemblement et partage de l’information prend des formes diverses. Les équipes peuvent plus facilement innover grâce à des dispositifs favorables à la créativité (construction des offres customisées en contact avec les clients, l’intra entrepreneuriat, etc.) ou créer les fameux « Proof of Concept », ou prototypes, en les validant ou abandonnant rapidement… autant de pratiques managériales nouvelles à intégrer.
Hackatons, 4X4, pizza team plateforme…
Au-delà des Digital Days qui sont des fers de lance en termes de communication interne stratégique, l’organisation des ‘’Hackatons’, ces événements qui rassemblent et mettent en saine compétition des programmeurs de divers horizons, ont renversé la façon d’envisager la création de nouveaux services clients. Là où nous avions des process classiques en mode projet, cette formule fait basculer les intervenants habituels dans la co-construction avec des entreprises d’industries différentes en tandem avec les fintechs permettant une capillarité d’idées ultra enrichissante. Tout cela dans une ambiance de challenge qui permet d’obtenir des récompenses ou la possibilité de bénéficier des incubateurs des organisateurs. Avec ce genre d’événement, les résultats sont visibles en 2 ou 3 mois là où il en fallait entre 9 à 12 auparavant. Avec en prime , des participants calibrés en fonction du principe désormais connu de la Pizza Team.
Illustrant sommairement une autre méthode agile : celle dite du « 4X4 » pour identifier et valider les idées plus efficacement : 4 heures pour définir un concept, 4 jours pour formaliser le parcours client, 4 semaines pour créer le prototype et 4 mois pour tester le service ou le produit auprès de clients. Ce cycle resserré permet d’obtenir rapidement des données et retours d’usage pour mesurer l’adéquation aux attentes et décider de sa mise en marché… ou non.
Toujours dans cet aspect Partage et Plateforme nous pouvons aussi souligner le « Reverse Mentoring » venu des entreprises américaines dans lesquelles des jeunes collaborateurs, souvent ‘’digital natives’’, sont appelés pour accompagner les dirigeants dans leur appropriation des environnements digitaux dont les réseaux sociaux et l’activité des Fintechs. Certains établissements bancaires français ont d’ores et déjà mis en œuvre de tels programmes avec des résultats très positifs même si la pratique reste timide.
Nouveaux rythmes, nouvelles pratiques RH
Cette capacité opérationnelle à collaborer réellement et la nouvelle cadence imposée par ces pratiques impliquent des efforts d’innovation managériale très conséquents. Les nombreux et variés outils aujourd’hui mis en œuvre au sein des établissements financiers montrent leurs limites, les impacts RH sont majeurs et remettent en cause tant les habitudes que les process et les notions de hiérarchies classiques.
Dans ce cadre de « fusion opérationnelle » de secteurs et métiers, avec des rythmes, styles et cultures de travail différents, le rôle du conseil RH externe reprend de l’importance. Avec son recul, sa vision plus globale et sa capacité à communiquer, il facilite ces conduites de changements notamment lors des accompagnements de comités de direction , de managers et de leurs équipes. Les anciens standards de recrutement ne fonctionnent plus et sont en cours de révision, au moment où les pénuries observées sur certains profils offrent de belles opportunités de carrières pour les meilleurs d’entre eux, encore faut il les trouver !
Risques, limites et constat
Par ailleurs, certains points exigent une grande attention au sein des Fintechs qui, comme toute startup, sont des lieux où la pression sur le fondateur ou les collaborateurs est peu limitée. Leur engagement et leur nombre d’heures travaillées sont forts, là aussi des actions RH spécifiques sont les bienvenues pour anticiper les ruptures potentielles. Le sujet presque tabou des risques psychosociaux ne retrouve jamais de mention dans le chapitre « risques » des business plans…
Le constat s’impose, passé à la vitesse supérieure, le manager doit faire preuve d’une flexibilité décuplée car il est conscient qu’il devra mener certains projets avec des méthodes très différentes sélectionnées en fonction des sujets. Il y aura toujours ceux orientés sur des thèmes fonctionnels et réglementaires avec un pilotage bien rodé et avec peu de marge de manœuvre comme ceux des Risques, Bâle 2 /3 , ou IFRS… en revanche, les projets axés sur la personnalisation de la relation client et du service, sur la gestion ou la sécurité des données, l’innovation managériale est totale et les Fintechs n’ont pas fini de servir d’aiguillon!
A suivre…
Par Corinne OREMUS (DGD) et Leandro LOPES (Digital Officer)